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Impressions des uns et des autres
Retrait n’est pas retraite …Il l’a annoncé lors de la compétition du Port le mois dernier, à la
surprise générale : « J’envisage de me mettre en retrait du BMX dès la
fin du championnat ! ». Une telle annonce ne laisse pas indifférent de
la part d’un homme passionné, qui fait partie des « dinosaures » de
notre discipline et qui a tant donné depuis plus de deux décennies.
En effet, Gilles PLAY fait partie des plus anciens du BMX local avec
Jaques VELIO, François PEPIN et d’autres compères issus notamment du
cyclisme.
Comme beaucoup de parents, c’est par le biais de son fils, âgé d’à
peine de 6 ans en octobre 1989 qu’il fait son apparition sur la piste
de la PPA. Est-ce un hasard s’il a choisi, 20 ans après, ce même lieu
pour faire son annonce ? La boucle semble ainsi bouclée !
Gilles PLAY est au BMX ce que Virapoullé ou Vergès est à la politique.
Il a occupé toutes les fonctions, tout d’abord celle de parent,
évidemment avec tout ce que l’on peut vivre au bord d’une piste, le
stress des chutes, les angoisses, les moments de joie intense quand la
victoire de sa progéniture est au rendez vous, le partage des
déceptions et le coaching affectif qui va avec afin de réconcilier
notre pilote chéri préféré.
Il a occupé les fonctions de Président de club, au BCO en l’occurrence
pendant 14 ans, Secrétaire général du Comité Régional de Cyclisme,
responsable de l’ETR (équipe technique régionale), Educateur BF3,
encadrement d’une série de stages en tant que formateur, commissaire
régional et national, il a officié à de nombreuses reprises lors des
compétitions en métropole. Il ne compte plus le nombre de déplacements
(34 exactement) en qualité d’encadrant tant lors du championnat de
France, d’Europe et du Monde.
Speaker hors pair dans l’animation de différentes compétitions dans
notre championnat régional, nous avons tous été témoins, à un moment
ou un autre, de son professionnalisme et de sa passion pour le BMX,
initiateur du centre régional de formation des pilotes…etc.
Un tel palmarès lui confère incontestablement une vision globale et
non exclusivement sectorielle de notre discipline. A l’instar de
certains de nos hommes politiques, il est un peu visionnaire,
précurseur dans la mise en œuvre d’initiative pour un développement du
BMX à moyen/long terme dans l’île.
Cependant, comme en politique, on s’expose inévitablement au feu des
critiques. Virapoullé ne peut admettre qu’une idée ou un projet qui
émane de Vergès soit bon pour le développement de La Réunion. Vergès
pour sa part fustigera systématiquement les initiatives de Virapoullé.
Pour autant, il s’agit de deux grands hommes qui ont chacun contribué
énormément à la construction de notre île.
En analysant les jeux d’acteurs dans le petit monde du BMX local, il
n’est pas difficile de trouver des similitudes, mais pour se préserver
tout de même de toute comparaison abusive, nous emprunterons au
cinéma, au lendemain du festival de cannes, la formule consacrée
suivante : « toute ressemblance à des personnages existant ou ayant
existé n’est que pure coïncidence ».
Rencontre à cœur ouvert avec Gilles PLAY, qui vient juste d’entrer
dans le club des quinquagénaires et qui devra encore patienter plus
d’une décennie avant de prétendre à une retraite professionnelle.
Explications sur un retrait (prématuré ?) du BMX.
Dominique B : Avant d’enter dans le vif du sujet, je souhaiterais que
tu rappelles à la jeune génération quelques éléments de l’histoire du BMX à La Réunion qui est, somme toute relativement jeune ?
Gilles PLAY : Je dois préciser tout d’abord que le BMX en France,
c’est 1979 à Beaune, nous y étions il y a deux ans, tu étais également
de la partie. Chez nous, c’est à partir de 1983 avec un embryon de
club à Saint Denis avec Alain TARNUS et N’GUYEN qui étaient issus du
cyclisme traditionnel. La structuration en club se fait en 1985/86 à
Saint Denis et au Port. Fonctionner en compétition avec deux clubs
n’était pas simple et générait une atmosphère pas très saine au niveau
des parents.
L’arrivée du CBT en 1989 a amené un peu de fraîcheur, au sens propre
comme au sens figuré, ce championnat triangulaire a été élargi avec
par la suite, en 1993 avec la création du CCP à l’initiative de
Josiane LUI HIN SAN.
Au même moment, j’étais impliqué dans la création du BCO. J’ai enrôlé
Stéphane HENAFF au milieu de l’année 1991, il a fini par attrapé le
virus, c’est devenu une vraie passion, on a tous les deux poursuivis
nos engagements même après le départ de nos enfants.
On peut donc parler d’un championnat multi club à partir des années
1993. Les compétitions étaient organisées sur une demi-journée !
A cette époque, il n’y avait pratiquement pas de magasins de vélos,
notamment pour les petits, pré-licenciés, poussins… J’ai fait venir
des dizaines de vélos et le plus souvent, on profitait des
déplacements en métropole pour remplir les cargaisons au retour !
On note une véritable montée en puissance entre 1996 et 1999, on
assiste à cette époque à une médiatisation par RFO et Antenne Réunion
présents à toutes les compétitions. Je me souviens de la saison de
l’année 97/98 avec un record de pilotes jamais égalé depuis à Saint
Paul : 299 pilotes tandis que le championnat comptabilisait en moyenne
entre 210 et 275 pilotes !!
Un dimanche, Christian ANICET de RFO est arrivé avec pas moins de
trois bus de technique pour filmer la compétition.
Le niveau était élevé, c’était à mon avis l’âge d’or du BMX. Les
années 90 correspondent aussi à une volonté de faire évoluer la
discipline à travers les déplacements hors de l’île.
Nous avons assisté par la suite à un relatif déclin. Actuellement, le
niveau risque de se creuser avec la métropole et le reste du monde par
manque de confrontation de nos pilotes locaux avec l’extérieur. Suite
au phénomène suscité par les jeux olympiques, il y a un
surinvestissement, une surenchère de la part de beaucoup de pays !
Il est donc important de se confronter aux Français et aux Européens
notamment qui sont à mes yeux aujourd’hui les meilleurs.
Nos pilotes ont des qualités indéniables mais une petite compétition
un dimanche de temps en temps, cela n’est pas suffisant ! Cependant,
dès qu’ils sont accompagnés, certains explosent, on le voit
actuellement chez ceux qui se sont expatriés en métropole : Rémy WOCK
TAI par exemple, Romain MAYET, Loïc GAUDENS … sans oublier Rudy BEGUE
; Cela nous démontre qu’ils ont de bons potentiels.
La clef reste donc la confrontation hebdomadaire en métropole et en
europe. Notre contexte insulaire ne favorise pas cela, c’est dans ce
sens que j’avais initié le Centre régional de formation. L’objectif
était le repérage et la préparation des pilotes locaux afin qu’ils
puissent le cas échéant, faire des choix de carrière ailleurs.
Actuellement, il n’y a plus rien, on compte trop sur les clubs qui ont
par ailleurs d’autres soucis de logistique, d’entretien des pistes,
d’entraîneurs…
DB : Pour en revenir à l’objet de notre entretien, qu’est-ce qui a
donc motivé ta décision de te retirer du BMX ?
Gilles PLAY : Je l’ai annoncé publiquement ainsi qu’au Comité régional, je
m’arrête progressivement. L’absence de perspectives, de projet
intéressant, d’objectifs ... et d’autre part une certaine lassitude,
un peu de fatigue… m’a fait prendre cette décision. Le train train ne
m’intéresse pas ! Actuellement, il n’y a plus de vision partagée, je
préfère donc le retrait pour ne pas bloquer éventuellement l’équipe en
place.
Par ailleurs, comme dans tous les domaines, il ne faut pas rester trop
longtemps, savoir partir au bon moment pour mieux préparer la relève.
Par exemple, j’ai volontairement cessé mes fonctions de speaker ces
deux dernières années afin de provoquer un électrochoc ! Il faut que
des nouveaux se lancent ! Je reproche à certains leur immobilisme,
d’avoir peu de résultats. Ce n’est pas dans ma mentalité de faire les
choses à moitié.
Voilà les principaux motifs de ma décision de me mettre en retrait au
plan régional. Cependant, j’ai pris l’engagement de donner un coup de
main pendant ce premier trimestre, ce qui explique ma présence en
qualité de speaker lors de cette compétition de Grand Bois sur
sollicitation du Président Louis PAULIN.
Ma vision des choses, ce n’est pas « après moi le déluge », je me sens
concerné, cela m’intéresse de passer le relais dans les meilleures
conditions. Je me suis toujours donné à fond et c’est vrai que j’ai
mon franc parler, je préfère une discussion passionnée au lieu ne rien
dire, dans l’indifférence, cela ne fait pas avancer les choses.
DB : Pendant ces 20 années d’engagement, de bénévolat, quels ont été
tes moments de satisfaction ?
Gilles PLAY : La satisfaction a été quasi permanente, au contact des pilotes.
Elle a été très variée, les résultats des compétitions, participer à
l’épanouissement des clubs, l’ambiance autour des pistes … j’ai eu
beaucoup de moments de satisfaction en tant que parent, entraîneur,
président de club, accompagnateur… bref, dans toutes les fonctions que
j’ai occupées.
DB : Et des moments de déception ?
Gilles PLAY : Je ne sais pas s’il s’agit d’un moment de déception mais une date
me vient à l’esprit, qui m’a marqué : Début de l’année 1997 !
Il y a eu une révolte au sein du Comité régional. Les clubs s’étaient
ligués contre le Comité, j’avais un peu mené la fronde contre une
situation où le BMX était l’éternel parent pauvre tandis que la route
(le cyclisme) était dotée d’énorme moyens. A cette époque, le
cyclisme, qui bénéficiait c’est vrai d’une antériorité, faisait le
tour des DOM, bénéficiait d’une couverture médiatique importante.
Nous, on devait se contenter de 5 à 10 % du budget !
Mon action de « meneur » a sans doute laissé quelques séquelles mais
deux ans après, on avait gagné la bataille, le VTT et le BMX avaient
enfin droit à quelques moyens supplémentaires.
Depuis, l’image d’un anarchiste, d’un révolutionnaire me colle un peu
à la peau !
En conclusion, je souhaite rester sur des images positives, j’ai
beaucoup donné c’est vrai, mais j’ai également beaucoup reçu. Je
souhaite à tous les parents de vivre autant d’émotions !!
DB : La vie n’est jamais un long fleuve tranquille, as-tu l’impression
que cette image est utilisée encore aujourd’hui ?
Gilles PLAY : Par une petite minorité certainement ! Quand je vois les
oppositions systématiques de certaines personnes sur toute idée qui
émane de moi, il y a un peu de cela. Le problème, c’est que ces
personnes ne vivent trop que par ce sport, c’est devenu quasi
existentiel. Au lieu d’œuvrer pour le développement BMX, ils profitent
de la discipline pour se créer une existence, pour se valoriser. Cela
explique les bagarres incessantes, on est comme en politique, c’est la
lutte pour le pouvoir en permanence, le refus de la contradiction, le
blocage systématique, la prise d’otage du BMX !! Dans ces conditions,
on finit par perdre de vue l’intérêt général. Ce climat a un peu
pourri le milieu de notre discipline ces dernières années.
DB : Quelles seraient tes préconisations pour l’avenir du BMX à La
Réunion ?
Gilles PLAY : Ma réponse pourrait paraître un peu provocatrice, mais je pense
qu’il faudrait faire un peu le ménage, un lessivage même, que certains
laissent la place à une nouvelle génération, il faut du sang neuf !
C’est pour moi un préalable !!!
Ensuite la problématique de l’encadrement technique dans les clubs, il
faut une politique de recrutement de jeunes entraîneurs à temps
partiel dans un premier temps. Le bénévolat s’essouffle, on tire trop
sur la corde !!
Pour l’élite, ma préconisation c’est la continuité du Centre régional
de formation qui garantira un encadrement et un suivi tout au long de
l’année et non quelques jours avant le départ d’une compétition.
Je préconise également au moins deux déplacements par an hors de l’île
!!
DB : Une dernière question avant de conclure, sans jeu de mots : Quand
on s’appelle PLAY, on ne peut pas s’arrêter de jouer ?
Gilles PLAY : Je ne m’arrête pas de jouer, je me dis que PLAY est passé, il
s’est bien amusé, il ne quitte pas son île et il sera probablement
présent autour des pistes quand il en aura envie parfois. A court
terme, j’ai surtout envie de penser un peu plus à moi, à ma famille,
aux randonnées, aux balades à vélo.
DB : Tu as dis vélo ? Un dernier mot pour conclure ?
Gilles PLAY : Je me suis exprimé à cœur ouvert, sans esprit polémique, je
continue à croire que la critique constructive est faite pour avancer,
à faire évoluer les choses.
Quand je vois les grosses ambiances autour des pistes lors des
compétitions, je me dis que c’est prometteur pour l’avenir !
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